L’examen du projet de Loi d’orientation agricole est en cours à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi, qui échoue à engager la transition agroécologique dont l’agriculture française a besoin, prévoit aussi de nombreuses régressions environnementales, sous couvert de simplification. Elles entretiennent une opposition artificielle et absurde entre agriculture et protection de l’environnement. L’article 13 en particulier organise la dépénalisation des atteintes illicites aux espèces et habitats protégés. 35 association de protection de la nature se mobilise contre ce texte et cet article.
Comme nous, signer la pétition
Si l’article 13 contenait déjà des dispositions visant in fine à dépénaliser les atteintes à l’environnement par voie d’ordonnance législative à intervenir, le Gouvernement a déposé un amendement 4452 , encore plus inquiétant, visant à s’y substituer. Par cette manœuvre indigne, le gouvernement satisfaisant la FNSEA a évité de devoir composer avec l’avis du Conseil d’Etat qui aurait sans nul doute recalé le contenu de cet amendement, manifestement contraire à la récente directive (UE) 2024/1203 du 11 avril 2024 (relative à la protection de l’environnement par le droit pénal) que l’Etat français se doit de mettre en oeuvre.
S’il est adopté :
seules les atteintes illicites aux espèces, habitats naturels et sites géologiques protégés commises de manière intentionnelle seront sanctionnées pénalement ;
les infractions relatives aux atteintes illicites aux espèces, habitats naturels et sites géologiques protégés seront présumées non-intentionnelles si elles sont commises dans le cadre d’une obligation légale ou réglementaire, d’une autorisation administrative quelconque ou en application d’un plan de gestion forestière (alors que ces derniers ne contiennent rien sur les espèces protégées) ;
en cas d’atteinte irréversible à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées et d’habitats naturels, la préfète ou le préfet pourrait prescrire des stages obligatoires de sensibilisation aux enjeux de l’environnement aux délinquants.
Cet amendement, sans rapport direct avec l’objet du projet de loi, aboutirait dans les faits à considérablement restreindre voire totalement neutraliser la possibilité de sanctionner la destruction illicite d’espèces, d’habitats naturels ou de sites géologique protégées. En effet, actuellement, dans l’immense majorité des dossiers pénaux de destruction illicite d’espèces ou habitats d’espèces protégées, il est impossible de démontrer l’intention de l’auteur des faits, seulement son imprudence ou sa négligence.
Si cet amendement est adopté, un chasseur qui abat une espèce protégée qu’il aurait confondu avec une espèce gibier, un particulier qui provoque la mort d’une buse en utilisant des produits phytopharmaceutiques contre des rongeurs, un forestier qui abat un arbre à cavité susceptible d’accueillir des chauve-souris dans une forêt bénéficiant d’un plan de gestion, un industriel dont les éoliennes autorisées auraient causé la mort de milans royaux, etc. ne pourraient plus être poursuivis, même s’ils n’ont pris aucune précaution et n’ont pas fait l’effort de se renseigner sur la biodiversité remarquable existante localement.
En clair, le message envoyé par les pouvoirs publics est que les atteintes illicites commises par négligence ou imprudence ou dans le cadre de travaux ou mesures de gestion obligatoires ou autorisés, ne seront plus sanctionnées. Ce message d’impunité aboutirait à une multiplication des destructions.
Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, il s’agit d’un renoncement extrêmement grave, remettant en cause les objectifs de préservation et de restauration de la biodiversité que la France s’est fixée. Il s’agit d’une régression du droit de l’environnement, en totale contradiction avec le droit et la jurisprudence européens, ainsi qu’avec les principes généraux du code de l’environnement français.
Le vote est imminent mais il est encore temps de signer la pétition, de partager cet article autour de vous et de relayer notre tweet d’interpellation pour appeler les député·es à rejeter cet amendement.