©J.F Colinot – Faune-Bretagne
La caractéristique de cette espèce monospécifique est d’une part d’avoir une aire de nidification strictement européenne et d’autre part d’être en expansion en Europe occidentale depuis son bastion historique des rives nord-ouest de la Mer Noire. Elle conquière la France par la Camargue, 1ère colonie française dès 1965. S’implantant graduellement, son explosion démographique de la fin des années 1980 voit l’espèce coloniser les littoraux vendéens, picards et de la mer du nord ainsi que les grandes vallées alluviales de la Seine, de la Loire, du Rhône et du Rhin.
Nous avons beaucoup plus l’habitude de côtoyer la Mouette rieuse qui est présente en grand nombre sur notre littoral. Le promeneur inattentif ne fera pas au premier coup d’œil la différence entre les deux tellement elles se ressemblent.
Taille : 38 cm // Envergure 98 à 105 cm // Poids 220 à 380 g // Longévité : 15 ans
Plumage blanc, couvertures alaires d’un gris très pâle, capuchon intégralement couleur ébène en période nuptiale, ne gardant qu’une petite tache de ce capuchon sur la joue en hiver, bec rouge sang, voici la Mouette mélanocéphale qui tient son nom du grec ancien : melano → noir et cephale → tête.
La découverte de la « mélano » pour les intimes dans un groupe de Mouettes rieuses s’avère délicat tant les deux espèces se ressemblent à première vue.
Bien que la silhouette soit quasiment la même, des différences existent. Une corpulence plus forte, le capuchon de la tête clairement noir en période nuptiale alors que celui de la mouette rieuse est plutôt brun chocolat. Ce capuchon est aussi plus englobant allant jusqu’au ras du cou chez la mélano alors qu’il remonte sur l’arrière de la tête chez la rieuse. Ses yeux, déjà cerclés de rouge, sont rendus bien visibles par deux croissants blancs, l’un au-dessus, l’autre dessous. La « mélano » adulte a des ailes uniformément grises sans la pointe noire des rémiges comme chez la rieuse. Enfin, le bec est plus fort et haut que celui de la rieuse et les pattes sont d’un rouge vermillon.
En plumage internuptial, il ne reste du capuchon noir qu’une tache couvrant l’œil et l’oreille et la barre du bec est plus nette.
Les juvéniles présentent plusieurs séquences de plumages. La 1ère année, ils sont marqués de plumes brunes ; la 2ème année, ils se rapprochent du plumage adulte mais les pointes de leurs ailes sont noires.
Elle attire l’attention des initiés par des miaulements caractéristiques. Son cri est bref, ascendant puis descendant au ton légèrement triste… Relativement silencieuse la majeure partie de l’année, elle s’exprime surtout sur les aires de reproduction. Le cri habituel peut se traduire par “heiiin” de tonalité plus goéland que mouette et répété à l’envi “heiiiin heiiin heiiin…”, ce qui, dans une colonie de nidification, donne lieu à un vrai concert.
La « mélano » se nourrit d’une grande variété d’invertébrés terrestres et aquatiques arthropodes, annélides, etc. Il faut attendre la période internuptiale et la migration vers les bords de mer pour que l’alimentation devienne plus éclectique. Les mouettes mélanocéphales adoptent alors un régime à base de petits poissons pêchés en eau peu profonde et de mollusques. Elle peut aussi s’attaquer occasionnellement à des poussins d’oiseaux ou à des petits mammifères.
Fréquentant les plages, les champs à l’intérieur des terres, soit seule ou en groupe, elle s’associe fréquemment avec la Mouette rieuse, dont elle partage les méthodes de recherche alimentaire.
Elle vit près des côtes et des grands plans d’eau et marais de plaine, parfois dans les prairies.
Elle utilise donc de nombreux habitats d’eau douce, saumâtre, ou salée : estuaires et baies peu profondes, marais salants, lagunes côtières, roselières des fleuves et des rivières, plaines alluviales. Espèce capable de s’adapter à de nouvelles conditions environnementales. On la voit toute l’année en Bretagne. Elle hiverne essentiellement sur les côtes, sans s’éloigner en mer.
Espèce grégaire comme la majorité des laridés, la Mouette mélanocéphale se reproduit en colonies denses, souvent pluri-spécifiques, le plus souvent sur des îlots présentant des secteurs peu végétalisés. La densité en nids peut atteindre 5 nids au m².
Les couples arrivent sur les colonies à partir de la mi-avril. Ils défendent un petit site de nid utilisé pour la parade, la couvaison et le nourrissage des jeunes.
Monogames, les couples établissent un nid à même le sol, une simple excavation garnie de débris de végétaux et de plumes. Les deux adultes s’y relaient pour couver 3 œufs, déposés à partir de la mi-mai. L’incubation dure 23-25 jours. Durant les 3 premières semaines, un adulte reste au nid et protège les poussins du soleil et de la pluie. À moins d’être dérangés, les jeunes s’éloignent très peu du nid, et ce jusqu’à l’envol à l’âge de 35-40 jours.
Depuis 2000, deux colonies se trouvent en Loire-Atlantique, au lac de Grandlieu et en Brière au sein de colonies de Mouettes rieuses. En limite de notre région, 2 colonies fournissent probablement les hivernants sur notre littoral : celle du polder de Sébastopol (Noirmoutier) et celle de La gravière des Monteaux (ENS 49) une des plus grandes de l’ouest.
Evolution des populations nicheuses
La Mouette mélanocéphale ne se reproduit en France que depuis 1965 (Camargue). Cet oiseau est en fait originaire de la Mer Noire, mais depuis les années 1940, ses populations se sont déplacées vers l’ouest de l’Europe. Après une très forte augmentation de la population d’origine, celle-ci a fortement chuté entre 1975 et 1985 passant de 340 000 couples à 60 000 couples. C’est dans le même temps qu’elle a vraiment colonisé l’Europe occidentale. Sa population européenne est maintenant de 118 000 à 328 000 couples.
En France, la population est estimée en 2019 entre 12 960 et 13 410 couples.
Une migratrice…hivernante
La zone d’hivernage est essentiellement littorale concernant une grande partie du cordon atlantique européen et le pourtour méditerranéen.
Les mouvements migratoires – du début juillet à fin décembre pour la migration post-nuptiale et de mi-janvier à mi-mai pour la pré-nuptiale – sont bien observés en Bretagne depuis les années 2005- 2010 avec des effectifs en constante augmentation. Rappelons que les deux premiers contacts avec l’espèce en Bretagne datent de fin novembre 1949 quelques milles à l’ouest de Belle-Ile, et 1 le 17 septembre 1953 à St Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique).
Via le baguage on sait qu’une partie des oiseaux qui à l’automne rejoignent la Baltique depuis la Mer Noire, gagnent ensuite le Golfe de Gascogne via les côtes de la Mer du Nord et de la Manche. Au printemps, les voies intérieures le long des grands fleuves sont majoritairement empruntées.
Les données du CRBPO concernant trois oiseaux bagués poussins sur l’île d’Orlov, principale colonie de l’espèce en Mer Noire, ont été retrouvés en Bretagne. Il s’agit des deux individus cités par Mayaud, et d’un juvénile bagué le 5 juillet 1968 à Orlov et repris en février 1969 à Tharon (Loire-Atlantique).
L’augmentation constante des individus hivernant en Bretagne est prouvée par les résultats des cinq recensements successifs des laridés lors des hivers 1984/1985 ; 1996/1997 ; 2004/2005 ; 2011/2012 et 2023/2024. Ainsi en Côtes d’Armor +60% d’hivernants entre 2005 et 2011, soit 1 656 individus, x 16 en Ille-et-Vilaine et x18 en Morbihan avec 1 351 oiseaux.
La Mouette mélanocéphale n’est pas menacée actuellement (classée LC préocupation mineur). Longtemps en progression numérique et territoriale de l’est de l’Europe vers l’ouest , cette progression s’ atténue à cause des problèmes rencontrés du fait de l’humain, principalement les atteintes aux habitats. Mais l’espèce est très sensible aux dérangements liés au développement des activités humaines comme le tourisme et les activités de loisirs.
La prédation sur poussins et œufs par les grands goélands peut aussi être un vrai problème, d’autant plus que la productivité de l’espèce est faible.
En juillet 2020, un individu bagué est observé sur la réserve naturelle nationale du platier d’Oye dans le Pas de Calais. Agée d’au moins 8 ans puisque cette mouette a été baguée en 2012 à Anvers, elle va visiter successivement la Vendée et la Manche en 2013. On la retrouve en 2014 et 2016 dans le Calvados. Puis les Pays-Bas en 2017 puis Boulogne. La voilà à nouveau dans le Calvados en 2018 (Omaha Beach). En 2019 et 2020, elle fréquente le platier d’Oye.
Sur 311 mouettes mélanocéphales identifiées par leur bague cet hiver 2011 en baie de Douarnenez, 148 provenaient de France, 102 de Belgique, 20 de Pologne, 18 de Hongrie, 14 d’Allemagne, 6 des Pays-Bas, 2 de République Tchèque et 1 de Serbie-Monténégro.