Monsieur le Président, Monsieur le vice-président,
Le Conseil régional de Bretagne a adopté, en février 2024, sa feuille de route « halieutique ». Notre mouvement associatif y constate des manques, tant sur le fond que sur la forme, dont nous souhaitons vous faire part.
La biodiversité marine et côtière est dégradée : sa nécessaire protection est prévue réglementairement
L’environnement dans lequel évolue l’ensemble de la pêche bretonne n’est pas en bon état écologique. La biodiversité marine est érodée et les habitats côtiers sont en très mauvais état (seulement 6 % sont en bon état). Pourtant, selon la Directive Cadre Stratégie du milieu marin (DCSMM), le bon état des masses d’eau, qui devait être atteint en 2020, ne sera toujours pas atteint en 2026.
Or, il ne peut y avoir de pêche durable sans atteindre le bon état écologique du milieu… C’est cela qui devrait être le socle de toute feuille de route.
Par ailleurs, le droit européen rappelle qu’en mer, la protection de l’environnement prime sur l’exploitation des ressources. (Cf. droit international art. 192 et 193 de la CNUDM). Les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin. Il n’y aura pas de pêche économiquement durable sans des mesures fortes pour reconstruire des écosystèmes sains et écologiquement productifs.
Il est donc urgent de protéger les espèces et les zones côtières des engins de pêche impactant les habitats et fonds marins. Il est aussi urgent de mettre en œuvre une politique de restauration de la qualité des eaux estuariennes et côtières qui sont actuellement toutes dégradées en Bretagne.
Comme nous l’avons mis en avant dans notre Manifeste pour la protection des milieux marins, paru en janvier 2024, nous souhaitons que soient désignées de réelles zones de protection forte et qu’elles soient considérées comme un atout socio-économique, y compris pour l’activité de pêche. Nous attendons une action politique courageuse dans ce domaine.
La mer est un commun
La mer appartient au domaine public, la société civile a donc son mot à dire sur la répartition des usages en milieu marin. Ces derniers devraient faire l’objet d’un débat citoyen, être décidés collectivement en respectant la concertation ainsi que les cadres stratégiques et réglementaires qui s’imposent (internationaux, européens, nationaux et régionaux).
Le Conseil Maritime de Façade NAMO n’a pas été consulté, il est pourtant une instance de concertation qui émet des avis éclairés en prenant en compte l’atteinte du bon état écologique du milieu marin. Les acteurs de ce Conseil (associations, pêcheurs, etc.) sont tous invités à fournir des efforts pour y parvenir. Chacun doit réaliser sa part pour réduire les pressions.
Le CESER a été consulté, mais trop rapidement. Néanmoins, il a exprimé des demandes que nous partageons et appuyons :
À propos du groupe de travail conjoint entre l’Assemblée bretonne de l’eau et la Conférence régionale mer et littoral, il convient de revoir sa gouvernance, de transmettre son calendrier de travail et sa composition. Ce groupe doit avoir comme objectif de mieux intégrer les besoins des secteurs halieutiques dans les politiques de gestion de l’eau douce.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le rôle de la Conférence Régionale Mer et Littoral, que vous présidez et qui pourtant, n’a pas non plus été consultée.
Une feuille de route qui doit permettre à la pêche bretonne de sortir de ses impasses structurelles, de faire face à l’urgence climatique et d’enrayer l’effondrement de la biodiversité.
Le volet industriel de la pêche est soutenu dans votre feuille de route. Pourtant, c’est celui qui génère le moins de richesse économique, le moins d’emplois et qui présente la plus forte empreinte environnementale.
S’il est nécessaire d’adapter la flotte au contexte écologique, économique et social du 21e siècle, le plan d’entrée de flotte que vous soutenez devrait aussi concerner la pêche côtière, et pas seulement les segments hauturiers et semi-hauturiers. En effet, en 2021, sur 1 203 navires de pêche en Bretagne, près de 80 % sont en petite pêche. De plus, c’est la pêche côtière qui est la plus attrayante pour les jeunes générations. Quoi qu’il en soit, compte tenu du milieu en mauvais état, il convient de décliner la réglementation européenne et que l’effort de pêche soit réfléchi avec des mesures de précaution.
En conclusion, cette feuille de route halieutique devrait être fondée sur la transition écologique et intégrer des critères de durabilité pour atteindre l’objectif vital du bon état écologique du milieu marin.
De nouvelles orientations méritent d’être engagées, notamment celles visant à décarboner l’ensemble de la filière pêche ou à accompagner les professionnels vers des pratiques moins impactantes pour les espèces sensibles.
Votre feuille de route est prévue pour 4 ans. Cela correspond aux années de mise en œuvre des fonds européens du FEAMPA. C’est l’occasion de soutenir des projets allant dans le sens que nous souhaitons tous pour l’avenir. Au regard des urgences climatiques et sociales, il est temps de revoir la gouvernance des pêches et de promouvoir le dialogue avec tous les acteurs. C’est une belle mission pour notre Région Bretagne !
Nos associations sollicitent ainsi une rencontre avec vous très prochainement pour échanger sur l’ensemble de ces sujets.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération la plus distinguée.
Signataires :
Denez L’Hostis, Jean-Yves Piriou | coprésidents FNE Bretagne
Thierry Buanic | président Al Lark
Gwenola Kervingant | présidente Bretagne Vivante
Francis Nativel | président Eau & Rivières de Bretagne
Elodie Martinie-Cousty | présidente UMIVEM
Arthur Ory | président Des Requins et Des Hommes