Photo : Philippe BOISTEAULT
Comme son nom ne l’indique pas, elle est native d’Inde, du Sri Lanka et du Myanmar. C’est le collier noir en forme de croissant qu’elle porte à l’arrière du cou (croissant turc) qui lui aurait donné son nom puisque sa présence aux frontières de l’Europe est attestée dès le XVIème siècle au Proche Orient et Moyen-Orient, en Asie mineure, surtout sur la façade occidentale de la Turquie où elle constitue une importante population à Constantinople et y restera retranchée jusqu’au début du XXème siècle.
Elle n’était en tout cas pas totalement inconnue en Europe de l’Ouest avant le XXe siècle puisqu’elle « a été identifiée dans les produits de la fouille du castrum d’Auberoche en Dordogne datée du XIIe siècle ».
Pour des raisons encore inexpliquées, elle étend son aire de répartition au cours de la première décennie du XXème siècle, atteignant Belgrade (1912), la Roumanie et l’actuel Monténégro (1928), la Hongrie (1930), l’Autriche en 1943, l’Allemagne en 1946. Les pays autour de la Mer du Nord note sa présence à la fin des années 1940. Autour des années 1950, la progression du front de colonisation est en moyenne de 44 kilomètres par an. Au milieu des années 1970, elle conquière simultanément le continent nord- américain et le continent africain en 1971 puisqu’un oiseau, bagué en Belgique en 1965, est capturé à Rabat (Maroc) en avril 1971 puis le premier cas de nidification est observé à Meknès en 1986 .
En France, la réalisation de « l’Atlas des oiseaux nicheurs de France » montre que l’expansion de l’espèce se poursuit à travers le territoire métropolitain : 55 % des sites-échantillons étaient occupés en 1996 contre 74 % en 2004. Les études suggèrent que « l’expansion géographique de l’espèce dans notre pays bénéficie vraisemblablement du mitage de l’espace rural par notre urbanisation ».
La première nidification française est notée en 1952 dans les Vosges et l’on considère qu’à la fin des années 1980 tout le territoire français est colonisé.
Si son milieu originel est le semi-désert ainsi que les zones ouvertes et arides, cette expansion l’a confrontée à de nouveaux milieux en même temps qu’elle devenait très anthropophile. Elle a su profiter de l’abondante ressource procurée par les activités humaines, agricoles et autres. Actuellement, elle est devenue un oiseau commun de l’avifaune de plusieurs continents vivant dans différents milieux mais toujours près de l’homme.
Elle pèse de 125 à 225 g et mesure 31/34 cm. Sa durée de vie est de 16 ans environ. Plus mince et élancée que le pigeon, sa couleur claire la rend élégante et cache en réalité un camaïeu de pastels délicats allant du rose et gris vineux au beige clair en passant par le gris bleuté du bord de l’aile. La présence à l’arrière du cou d’un étroit et net demi-collier noir souligné de blanc sur sa limite supérieure et plus discrètement pour sa marge inférieure renforce cette élégance.
Tout est dans la nuance. Le mâle adulte a les parties supérieures gris-brun chamoisé avec le dos plus gris. Le front et la calotte généralement gris pâle se fondent dans le rose vineux clair de la face chez le mâle ou le chamois vineux chez la femelle. Un dos beige pâle tirant vers le gris vineux, des rémiges brun plus foncé, le bord antérieur de l’aile fermée apparaissant gris bleuté, des scapulaires et les petites couvertures alaires gris-brun sable, une queue plutôt longue forment les parties supérieures du corps.
Les parties inférieures présentent des parties plus rosées sur le menton, la gorge, les côtés du cou et la poitrine violacée (plus soutenue chez le mâle) s’éclaircissent vers le blanc chamoisé au niveau du ventre et des couvertures sous-caudales. La large plage gris bleu pâle formée par une partie des couvertures alaires (grandes, primaires et secondaires internes) contraste avec le gris sombre des secondaires externes et le gris brun des rémiges primaires. Cette couleur se retrouve au niveau du dessus de la queue, seulement marquée aux coins par la coloration blanc crème des extrémités des rectrices, surtout les plus externes.
Les yeux d’un rouge profond, avec un cercle oculaire blanchâtre, les pattes rosâtres et un bec noir forment des détails que l’on remarque facilement.
Les deux sexes sont semblables – bien que la femelle ait la tête légèrement plus brune – et ne peuvent être reconnus que par leur comportement en période de reproduction.
Les jeunes n’ont pas le demi-collier noir, ressemblant aux adultes avec un plumage plus clair.
Les variations pigmentaires ne sont pas rares : coloration crème plus ou moins pâle, blanc jaunâtre, blanchâtre avec quelques plumes roux clair sur l’ensemble du corps et même toute blanche.
On dit que la tourterelle roucoule. Ce “koukouh kou” sonore et monotone, souvent répété participe à l’ambiance sonore des hameaux, villages et autres espaces urbains. Les deux premières syllabes sont identiques, la seconde un peu traînante, et la 3 ème un peu distanciée et de tonalité un peu plus basse.
Le cri de vol, émis souvent au posé, est un gémissement nasillard, d’abord montant puis descendant.
La tourterelle turque a un vol rapide et direct grâce à des battements actifs. Elle peut voler à la vitesse de 60 km/heure en vol direct avec de rapides battements. En migration, elle vole à bonne hauteur.
Difficile d’y répondre puisque qu’elle est quasi sédentaire dans nos régions. Les déplacements observés grâce au baguage, concernent plutôt de l’erratisme ou de la dispersion qu’une réelle migration saisonnière et orientée.
On note cependant des déplacements importants comme cet individu bagué en septembre 1990 à l’Est de l’Allemagne repris en octobre suivant à 1200 kms en Pyrénées atlantiques. De même un oiseau bagué au Danemark en novembre 1962 a été repris en janvier 1963 en Seine-Maritime soit 900 kms.
En France on dispose de peu de données sur les mouvements automnaux. Cependant depuis 1985, aux falaises de Carolles dans la Manche, 100 à 500 oiseaux passent chaque année lors de la migration post-nuptiale.
La migration et les mouvements au printemps sont perceptibles principalement en avril, mais s’étalent de fin février à fin mai.
L’espèce est anthropophile, liée aux espaces anthropisés, occupant les secteurs ruraux (ferme, hameaux), urbains et péri-urbains avec leurs jardins et leurs parcs ou les places publiques…. où les gens nourrissent les pigeons. Elle évite les centres anciens, trop denses et peu pourvus d’espaces verts, et fréquente plutôt les parcs et jardins, les zones industrielles….
Essentiellement granivore, elle cherche sa nourriture au sol : graines de céréales, de graminées sauvages (polygonacées, brassicacées) mais aussi de quelques bourgeons, fruits, baies, insectes, etc. suivant les saisons et de façon anecdotique. Sa ration journalière est d’environ 20 g . Les points de nourrissage dans les jardins (mangeoires) remplacent les poulaillers qu’elle fréquentait assidûment. Les silos à grains et autres stocks de graines sont fort appréciés.
Comme tous les Colombidés, elle boit par aspiration, sans mouvement de tête pour avaler.
La tourterelle turque a une parade nuptiale très belle, en partie aérienne, puis au sol ou sur un arbre. Depuis un toit, un arbre, il s’élève brusquement en faisant claquer bruyamment ses ailes puis se laisse glisser vers la femelle ou un perchoir, ailes et queue déployées au maximum en émettant un « kwourrr » nasillard. A d’autres moment, il fait des courbettes et des sauts vers la femelle (qui souvent l’ignore et s’en va) tout en roucoulant de façon intense. Si elle s’envole, il la poursuit. Les deux partenaires sont souvent vus à cette période posés côte à côte sur un fil, une branche à découvert en train de se donner des petits coups de bec amoureux, comme des baisers, sur la tête et le cou. Certains couples restent liés tout au long de l’année.
Elle peut avoir lieu toute l’année mais surtout de mars à octobre. Le nid, très “colombidé” est une plateforme sommaire, constituée de brindilles, disposées de manière lâche et aérée donnant une sensation de fragilité mais permettant de voir les œufs….qui tombent au sol souvent tant les nids sont sommaires ! Comme chez tous les colombidés les œufs sont blancs, au nombre de 2, couvés environ 16 jours par les deux parents qui les nourrissent par régurgitation d’une bouillie de graines (lait de pigeon). Les jeunes quittent le nid 19 jours après l’éclosion et sont indépendants à 30 ou 40 jours. La reproduction donne généralement lieu à deux ou trois pontes, parfois plus. L’espèce est donc prolifique et la productivité doit être un paramètre démographique majeur expliquant l’expansion de l’espèce.
Malgré les hiboux, redoutables prédateurs au nid, et les rapaces qui peuvent tuer les adultes, la population augmente grâce au nombre important de couvées chaque année. Les données nationales du STOC-EPS montrent que les nicheurs ont augmenté de 85% entre 1996 et 2019 et de 22% pour la période 2001-2018. Entre 2009 et 2012, la population européenne est estimée entre 4,7 et 11 millions de couples et entre 900 000 et 1 700 000 pour la France
Elle est jugée en bon état de conservation sur son aire de distribution européenne, même si la fermeture des silos à grains peut priver l’espèce d’une ressource alimentaire
L’espèce est chassable. Les estimations des tableaux de chasse pour la période 2013-2014 affichent 146 000 individus prélevés principalement en Poitou-Charentes et Nord-Pas de Calais.