Les chiffres sont sans ambiguïté. Près de 800 millions d’oiseaux ont disparu depuis 1980, soit 20 millions chaque année, selon une étude du Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) et de l’université de Montpellier publiée le 15 mai dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). “Le nombre d’oiseaux a décliné de 25% en 40 ans sur le continent européen”, souligne un communiqué de presse, et le chiffre atteint même “57% pour les oiseaux des milieux agricoles”.
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Le principal responsable de cette perte sèche de l’avifaune est “l’intensification de l’agriculture”, c’est-à-dire “l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectare”. Le déclin est particulièrement important chez les oiseaux insectivores, car ces produits phytosanitaires perturbent les chaînes alimentaires.
Le réchauffement climatique a également un fort impact sur les populations d’oiseaux : le nombre d’oiseaux forestiers a diminué de 18% et les oiseaux urbains de 28%.
En France, l’un des pays où “la surface agricole exploitée de manière intensive est la plus élevée”, le nombre d’oiseaux des milieux agricoles a diminué de 43% en 20 ans. Avec quasiment 60% de son territoire consacrés à l’agriculture, la Bretagne est la première région agricole française. Le déclin de l’avifaune des milieux agricoles y est particulièrement marquée.
Les oiseaux des milieux agricoles sont des espèces de milieux ouverts ou bocagers qui utilisent cultures ou prairies pour rechercher leur alimentation ou nicher, telles que l’alouette des champs, le bruant jaune ou le pipit farlouse. En Bretagne, en plus de l’agriculture intensive, les changements climatiques affectent aussi la dynamique de ces espèces et leurs aires de répartition. Ainsi, les populations de bruant jaune et de pipit farlouse sont en régression, et abandonnent le sud et l’est de la région.
Les analyses du protocole STOC en Bretagne montrent que les populations de bruant jaune ont subi une diminution estimée à 73 % de 2001 à 2021, tandis que l’abondance de la Tourterelle des bois est en déclin de 43% sur la même période. Cette espèce qui se nourrit au sol de graines et niche dans les haies basses est particulièrement impactée par les pratiques de l’agriculture intensive
Le CNRS alerte aussi sur le sort de plusieurs espèces, comme le moineau friquet ou le tarier des prés dont les populations ont baissé de 75% en France. Le premier est en danger critique d’extinction en Bretagne et le second considéré éteint. Les conclusions de l’étude sont “démontrent l’urgence de repenser le mode de production alimentaire actuel”.
Conférence de novembre 2015 du Dr J-P Moussus, ENS Lyon : Biodiversité, changements climatiques , que nous disent les oiseaux ?
Du fait des activités humaines, notre planète traverse actuellement une période de bouleversements écologiques très rapides qui se traduisent notamment par un effondrement globale de la biodiversité. Les changements climatiques observés depuis un siècle et qui se sont accentués ces dernières décennies, sont une cause majeure de ce qui est désormais considéré comme une sixième extinction de masse.
Comment les oiseaux réagissent-ils à ces modifications, et en particulier aux changements climatiques ? Peut-on esquisser ce que sera l’avifaune dans un futur proche ?”
J.P. Moussus, auteur d’une thèse sur les influences du climat sur la démographie des passereaux communs présente les principales conséquences écologiques des changements climatiques, et la façon dont les oiseaux ou les populations d’oiseaux s’adaptent à ces modifications profondes et rapides.